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Tout a commencé ce matin, où comme depuis plusieurs matins, vous vous levez plus fatigué que jamais. Vos gestes sont mous, votre vue trouble et votre conscience même ne semble pas s'être remise de la nuit passée. Il faut dire que la nuit était houleuse. Vous étiez comme aspiré par vos rêves, avalé par l'abysse de vos propres songes, emporté par un torrent des plus tumultueux, tandis que votre corps tout entier convulsait, charrié par les remous troublés de votre esprit. Et puis plus rien, nada, nenni, néant.

Tout ce que vous avez vu, tout ce que vous avez vécu s'effaçait tel une brume légère sous l'influence d'un vent plus chaud, pour ne laisser que quelques marques de ce périple nocturne. Des fantômes, en somme, restes obscurs, lumières estompées d'un passé qui n'existe plus pour vous.

Et pourtant.

Pourtant ce matin, vous vous sentez différemment des autres jours. Pas que vos amnésies vous laissent le moyen de vivre une quelconque routine mais vous semblez avoir développé, comme une seconde nature, une perception de ce qui vous entoure plus fine encore que vos autres sens. Qu'il s'agisse du lit, du réveil matin, l'étagère où sont rangés vos vêtements, les petits mots laissés sur votre bureau, du Cezanne -ou du moins sa réplique- accroché au mur, du luminaire au plafond, de la fenêtre, de la console, des mur, du sol, de la porte, tout semble relié à vous par une toile invisible, un réseau de nerfs vibrant et frémissant à chacun de vos déplacements.

Vous ne vous souvenez de rien, mais votre corps parlant pour votre esprit vous laisse deviner que quelque chose a changé.